Point de situation COVID-19 à l’administration centrale

Lettre à Madame la Secrétaire générale du MENJ et du MESRI (2 avril 2020) en vue d'un prochain CTAC : point de situation, alertes et propositions.

Nous vous souhaitons en premier lieu la meilleure santé possible, ainsi qu’à l’ensemble des personnels de l’administration centrale et à leurs proches. Nous adressons nos pensées à ceux que la maladie touche, qui traversent des heures d’inquiétudes et doivent faire face à un risque vital, voire à un deuil prématuré. C’est pourquoi nous engageons bien évidemment chacun et chacune à se conformer aux recommandations liées à l’urgence sanitaire.

Le maintien à l’agenda social du CTAC prévu le 27 mars était le signe que nous avons pu collectivement faire face au premier choc de la crise dans le calme et avec sens des responsabilités. Son report au dernier moment montre cependant que nous devons poursuivre l’effort collectif dans la solidarité. Même si la date pour la tenue de ce CTAC n’est pas fixée, il reste nécessaire de faire le point sur la situation organisationnelle de l’administration centrale.

Après deux semaines de confinement, nous souhaitons partager un premier bilan du nouveau mode de fonctionnement dans lequel l’administration centrale devra continuer son activité pendant encore plusieurs semaines. Nous avons fait le point avec les membres de notre conseil syndical qui représentent tout l’éventail des situations des agents. En continuité avec les échanges lors des deux réunions déjà tenues du CHSCT ces derniers jeudis, nous souhaitons donc attirer votre attention sur les différentes priorités, que vous partagez sans doute pour l’essentiel, et sur les questions que pose encore leur mise en œuvre.

1. La sécurité sanitaire des agents amenés à venir sur site pour les besoins du plan de continuation de l’activité (PCA)

Nous avons suivi la manière dont les personnels concernés ont été sollicités en tenant compte de leurs éventuelles contraintes familiales et de santé, ainsi que l’attention portée aux gestes barrière. Cette réunion du CTAC doit être l’occasion de saluer leur dévouement, dont celui du personnel médical qui est plus particulièrement exposé. Sur un plan pratique, les facilités de transports et de restauration que nous avons demandées ont été mises en place, et le déplacement de personnels ayant besoin de revenir ponctuellement au bureau a été organisé. Toutefois, nous partageons l’inquiétude de tous sur la protection contre les risques de contagion et sur la prise en charge au titre des accidents du travail des collègues qui pourraient être infectés dans l’exercice de leurs fonctions. Qu’en est-il des équipements de protection et des dispositifs de dépistage ?

2. Le rétablissement du lien avec les agents à domicile et l’identification des collègues en détresse

Le premier pas a été de demander aux responsables de structure d’avoir un point de contact quotidien avec chacun de leurs collaborateurs. Nous nous interrogeons toutefois sur le nombre d’agents qui à ce jour n’ont pas encore pu être contactés, sur les situations de détresse éventuelles et sur la sous-déclaration des personnes infectées par le Covid-19 dont nous avons eu connaissance. Les agents doivent être encouragés à demander un arrêt maladie puisque le jour de carence ne s’applique pas. La mobilisation doit être collective pour contacter les agents qui peuvent être isolés à leur domicile. Une meilleure information, avec une simplification et accélération des procédures de secours d’action sociale est nécessaire.

3. La mise en œuvre du télétravail des agents confinés

Au-delà des agents déjà télétravailleurs, la priorité a été accordée à l’équipement informatique des personnels participant au PCA dont le périmètre vient d’être étendu, en relation avec la prolongation prévisible du confinement. Une information sur la disponibilité et la performance des services numériques qui ont rencontré des dysfonctionnements (messagerie et répertoires partagés notamment) et sur les conditions d’accès à distance des applications métier (SIRH, CHORUS, …) doit être apportée aux agents qui travaillent depuis leur domicile. Des formations et ressources en ligne sur les outils du télétravail sont indispensables telles que celles proposées sur le site modernisation.gouv.fr. Les ressources pour l’administration centrale sur Pléiade devraient être complétée par un système d’assistance à distance entre les agents.

Il faut maintenant considérer la situation des agents qui ne disposent pas déjà d’un poste informatique fourni par l’administration. Quand pourront-ils être équipés avec un ordinateur portable ? Nous demandons d’envisager en attendant qu’ils puissent disposer d’un accès au SI ministériel depuis leur poste personnel. Certains ne possèdent pas non plus d’ordinateur personnel adapté au télétravail, ou doivent le partager avec leur conjoint et leurs enfants. Pour lutter contre leur isolement numérique, nous suggérons que le poste fixe professionnel des agents puisse être installé et connecté depuis leur domicile. Les difficultés peuvent aussi porter sur le réseau et attribuer un téléphone mobile professionnel peut alors être un moyen d’accès, ou des offres pourraient être négociées avec les fournisseurs d’accès à internet.

4. La continuité pédagogique des enfants scolarisés

Notre ministère est bien placé pour savoir combien est exigeante l’éducation des enfants à domicile, a fortiori quand ils sont enfermés. Les parents qui doivent s’y consacrer parmi nos collègues en font actuellement l’expérience sur le tas. Ils rencontrent aussi en tant qu’usager tous les aléas, mais aussi les prouesses réalisées à tous les étages du système éducatif. Même si l’encadrement est appelé à la bienveillance, la charge professionnelle des parents avec des enfants à domicile n’est pas diminuée. Pour autant, le recours à une autorisation spéciale d’absence (ASA) à temps plein pendant le confinement n’est pas toujours souhaité car c’est aussi un facteur de désocialisation supplémentaire. Une ASA à temps partiel devrait donc être possible pour un parent qui souhaite conserver une activité professionnelle. L’objectif d’égalité entre la mère et le père devrait aussi conduire l’administration à autoriser des ASA à une quotité de 50 % pour chacun des deux parents à domicile (en étendant ce qui est prévu pour la garde alternée).

5. La situation des agents dont l’activité n’est pas télétravaillable

Une proportion importante des agents confinés ne peut pas exercer son métier à distance. L’attribution d’une ASA est donc pleinement justifiée dans ce cas mais on ne peut se satisfaire que ces collègues ne puissent plus contribuer à l’intérêt général. Une démarche en interne doit être engagée pour maintenir leur insertion dans un collectif professionnel et pour valoriser leurs compétences, par exemple pour accompagner la prise en main des outils collaboratifs et leur permettre de revenir en position de service actif. Nous souhaitons aussi que les personnels volontaires puissent participer sur leur temps de service à une mission d’utilité sociale, par exemple via la réserve citoyenne, la réserve civique, la main d’œuvre pour l’agriculture, etc.

6. La remise en route des collectifs de travail

Nous vous engageons à encourager les équipes à récréer le lien social en leur sein et à développer la collaboration à distance. La convivialité et esprit d’équipe sont notamment encouragés par la DGAFP qui recommande le guide de la Région Grand-Est à destination des encadrants. L’utilisation de la vidéo-conférence pour alléger la rigueur du confinement est un facteur de prévention des risques psycho-sociaux (RPS). C’est aussi pourquoi nous vous avions demandé d’encourager le partage des numéros de téléphone mobiles et l’ouverture d’une conversation de groupe par messagerie instantanée dans chaque bureau/département. Nous avons apprécié la création d’un salon pour toute l’administration centrale sur Tchap.gouv.fr même s’il reste trop confidentiel. Nous souhaitons aussi que les équipes puissent s’approprier des outils collaboratifs conviviaux de leur choix, sans dogmatisme de l’administration, même si une convergence vers des outils de référence sera souhaitable à terme. La centralisation hiérarchique de la communication a pu se justifier en phase de crise aiguë, il faut aussi maintenant rétablir les communications transversales et la coopération inter-structures en mode projet.

Ces actions sont à orchestrer par les instances de gestion de crise au sein desquelles les collègues montrent un grand professionnalisme pour traiter les difficultés, certes avec les moyens du bord mais de manière efficace et sans perdre de vue l’essentiel. Nous vous invitons à y associer les représentants des personnels de manière plus fluide, ainsi que cela se pratique dans d’autres administrations centrales. C’est une condition pour limiter le stress de cette période pour les collègues, prévenir également les RPS liés au télétravail, à l’isolement et à l’alourdissement des cadences, ajuster le management et favoriser l’appropriation des bonnes pratiques de déconnexion, d’hygiène et de prévention.

Les agents nous interrogent sur l’utilisation des congés annuels. Pour le reliquat de congés 2019, nous souhaitons le report de la date limite pour les utiliser au moins jusqu’à fin août 2020 ainsi que la DGAFP en a ouvert la possibilité (cf. « Note DGAFP Covid-19 – Congés » diffusée par la seule voie de l’AEF). Les collègues doivent continuer de disposer librement de leurs congés pendant le confinement, y compris pour reporter les congés qu’ils avaient programmés avant la crise.

Nous sommes également sensibles aux conséquences économiques que cette crise pourra avoir dans de nombreux secteurs et pour toutes les populations déjà précarisées. C’est aussi pourquoi, nous vous demandons de redire ici l’engagement de prolonger les contrats de tous les personnels vacataires et en CDD.

Enfin, nous insistons pour la tenue rapide d’un CTAC pour préparer la levée du confinement et les nécessaires mesures de prévention de la résurgence de la contagion. De ce point de vue, nous relevons l’inadaptation de l’enquête par la hiérarchie auprès des agents sur la cause éventuellement liée au Covid-19 des arrêts maladie. Il nous semble qu’une réelle enquête de morbidité conduite par le service médical serait beaucoup plus adaptée pour appréhender la dynamique de l’épidémie et adapter le dispositif. En cas de progressivité de la sortie du confinement, la priorité devra être accordée aux personnes isolées.

La préparation du lendemain du confinement est aussi à préparer dès maintenant le retour de cette expérience unique. Cette situation inédite nous oblige à déployer des pratiques et des stratégies nouvelles. En 72 heures nous avons basculé dans un fonctionnement 100 % dématérialisé grâce notamment aux acquis du télétravail. Quel fonctionnement voulons-nous demain et comment pouvons-nous poursuivre cette dynamique pour enfin consacrer la même énergie à la transition écologique toute aussi indispensable et urgente pour notre survie ? (cf. CFDT : 66 propositions pour un pacte social et écologique).

Aux collègues, nous disons à toutes celles et ceux qui ne peuvent pas en ce moment, compte tenu de leur organisation familiale, de leur équipement, ou même de leur moral et de leur disponibilité d’esprit, participer aux activités en cours : ce n’est pas grave. Prenez-soin de vous et de ceux qui vous entourent.

Si vous  identifiez dans les équipes ou autour de vous des personnes qui seraient très isolées et possiblement en difficulté, en détresse ou victimes de violence conjugale ou intra-familiale, ou si vous vous sentez dans ce cas,  nous vous engageons à en parler et à faire appel aux dispositifs d’aide et de soutien de l’administration centrale sur Pléiade.

Le conseil syndical du Sgen-CFDT


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