CTAC du 7 mai ou comment déconfiner

Ce CTAC a permis d'élaborer une nouvelle version du plan de déconfinement qui prenne en compte certaines demandes des syndicats. Voici la déclaration préalable du Sgen-CFDT.

Madame la présidente, chères et chers collègues,

Nous inaugurons, après le report de la réunion convoquée le 27 mars dernier, la tenue d’un comité technique de l’administration centrale à distance selon les nouvelles modalités de fonctionnement des instances durant la période de crise sanitaire covid-19. Si les modalités en vigueur au MENJ sont bien appliquées cette réunion se tiendra en visioconférence alors qu’elle a été invitée en audioconférence il y a deux jours. C’est l’illustration de l’adaptabilité dont nous avons tous dû faire preuve ces dernières semaines.

Cette rencontre est l’occasion de remercier celles et ceux qui ont dû continuer de venir sur site pour assurer la continuité de l’activité, ou qui à distance dans des conditions de télétravail souvent difficiles ont aussi réussi à réorganiser tous les processus de travail en l’espace de quelques jours. Nous incluons les collègues dont les activités ne sont pas réalisables à distance et celles et ceux qui ont dû jongler avec l’éducation de leurs enfants et qui se sont retrouvés en ASA, au moins une partie de leur temps.

Nous avons bien évidemment une pensée pour notre collègue décédée, victime semble-t-il du Coronavirus. Cette triste fatalité nous fait prendre conscience dans notre chair de l’importance de prévenir la diffusion de l’épidémie pour limiter au maximum le nombre de personnes qui seront atteintes, et parfois aussi grièvement.

Nous saluons aussi celles et ceux qui, notamment auprès de vous Madame la secrétaire générale, sont parvenus à gérer la crise avec sang-froid et sens des responsabilités, dans un contexte totalement inédit. Globalement nous avons perçu une réelle écoute malgré le contexte d’urgence et l’évolution rapide de la situation et des directives interministérielles.

Par contre, l’affaire des congés pendant le confinement représente le contre-exemple que nous voudrions éviter. L’ordonnance qui a imposé le retrait d’un nombre excessif de jours par rapport à ceux acquis sur la période pour les agents en ASA est une mesure punitive. Votre circulaire qui laissait pourtant une marge d’appréciation locale est aussi hélas appliquée de manière inégalitaire. S’il est heureux que dans plusieurs directions, le bon sens et l’écoute des agents prévalent, le HCERES se montre quant à lui exemplaire dans le paternalisme et l’arbitraire, comme si les difficultés de l’époque ne suffisaient pas.

Une nouvelle étape sera engagée à partir du déconfinement annoncé le 11 mai prochain. Il ne s’agira certainement pas d’une « reprise d’activité » à l’identique d’avant le confinement. Il conviendrait d’ailleurs de parler de « reprise d’activité sur site » pour ne pas minimiser le travail que les collègues ont pu effectuer à distance. Sa durée annoncée à l’horizon de septembre prochain n’a aucune raison d’être limitée tant que des traitements efficaces ou des vaccins contre le virus ne seront pas disponibles. C’est donc pour une période de plusieurs mois que nous devons nous préparer avec ce plan.

C’est pourquoi nous vous invitons avant tout à un changement de mode de pilotage de cette crise. Le confinement a été conduit d’une manière centralisée en interministériel qui correspondait à la nécessité d’avoir une politique sanitaire homogène sur le territoire pour juguler la pandémie à court terme. Cette centralisation a été renforcée par les préceptes de défense et de sécurité destinés à répondre à des situations où des infrastructures critiques sont indisponibles, ce qui n’était pourtant pas le cas. L’enfermement à domicile n’étant déjà pas non plus favorable aux communications informelles, la verticalité hiérarchique qui prévaut depuis des semaines a totalement interrompu toute collaboration transversale, et cette centralisation artificielle embolise le fonctionnement de notre ministère déjà friand de cloisonnements. La reprise d’activité nominale – en présentiel ou à distance – consiste donc en premier lieu à relâcher cette étreinte !

Autre ornière dans la gestion de cette crise, l’inflation des textes et des règles dont l’ordonnance sur les congés est le symbole. Dans cette période d’incertitude permanente et en évolution rapide, nous nous créons l’illusion de maîtriser des événements par un ensemble de règles codifiées recoupant la distanciation sociale et gestes barrière, la conduite à tenir en cas de maladie, les bonnes pratiques de télétravail, le redesign du calendrier scolaire et de gestion, les conditions d’enseignement à distance et d’accueil des enfants à l’école et dans des activités parascolaires, les relations avec les fournisseurs en risque de faillite, la production et la distribution de masques, le repositionnement des agents en fonction des nouvelles tâches à couvrir et de leur compétences, le choix d’outils et de communication adaptés, la prise en charge des nouvelles activités et échéances, etc. Chacun trouvera à compléter cette liste…

Arrêtons de vouloir inventer un algorithme managérial face à cette situation qui nous dispenserait, chacun à son niveau, de s’approprier la compréhension de la situation, de partager collectivement nos analyses, de délibérer et d’inventer des solutions expérimentales et perfectibles, puis de progresser dans notre action dans cet environnement en pleine reconstruction. La période qui s’ouvre exige une réactivité au plus près de chaque situation. Elle nécessite de rétablir chacun dans sa responsabilité professionnelle et de rendre leurs marges d’initiative aux collectifs de travail.

C’est d’abord sur le plan sanitaire et de la garantie de la sécurité des personnes que chacun devra agir de manière responsable : il faut non seulement une bonne appropriation de l’ensemble des risques et des mesures pratiques de protection mais il reviendra à chacun de décider s’il prend et fait courir le risque d’une contamination en fonction de ses facteurs de risques personnels et de ses proches, des conditions de transport du moment, des exigences de son activité sur site, etc. Toute injonction hiérarchique unilatérale donnerait lieu à l’engagement de la responsabilité, au moins morale du responsable de service au regard de l’exposition à un risque professionnel. Dans cette logique nous demandons d’ailleurs que la contamination au Covid-19 soit reconnue comme une maladie professionnelle si l’on est exposé à des risques réguliers de contamination au travail. De telles injonctions aboutiraient donc aussi rapidement à une conflictualisation des relations sociales au titre de l’application du droit de retrait, que nous ne pourrions pour notre part également que soutenir. C’est pourquoi nous reprenons à notre compte la recommandation exprimée par le service médical « Il sera tenu compte du volontariat et des préférences des agents pour organiser leur présence sur site et leur télétravail. » C’est en effet la seule possibilité face à un risque inconnu, lié notamment aux conditions de transport de permettre à chacun d’agir en conscience. Les différences persistantes d’appréciation entre un agent et son encadrement, après qu’un dialogue ait eu lieu entre eux, pourraient donner lieu à une évocation devant le groupe de travail de suivi de la mise en œuvre du plan de déconfinement. Mais nous le répétons, la venue sur site doit être un choix volontaire de l’agent pour des nécessités de service.

C’est aussi dans l’organisation pratique et la conduite des activités que l’autonomie et l’initiative des équipes doivent être favorisées : toutes les activités de l’administration centrale sont percutées par la crise du Covid-19, non seulement dans le quotidien d’un fonctionnement désormais durablement à distance en télétravail mais aussi dans le bouleversement des échéances et des priorités. Nous faisons tous le constat dans nos divers champs professionnels des multiples questions posées pour préparer la rentrée prochaine dans une éducation, elle aussi, passée si soudainement à la scolarisation à domicile. C’est toute l’organisation scolaire qu’il faut réinventer avec un présentiel partiel et à éclipses des enfants et des enseignants. Elle remet en cause l’invariabilité du groupe classe en fonction des locaux, des membres présents de l’équipe éducative et de la part des élèves présents. L’individualisation des apprentissages, le besoin d’accompagner aussi la parentalité, la reconception de l’école ou l’établissement comme un centre de ressource nécessiteront beaucoup de créativité individuelle et collective, localement et pour mettre à disposition les outils appropriés par les divers échelons et opérateurs du système éducatif. L’administration centrale doit jouer son rôle dans cette réinvention de l’école en urgence. Il faut donc s’attacher avant tout à l’appropriation de ces défis par les équipes dans chaque domaine d’expertise. Et croyez bien que ce ne sont pas les directeurs et leur cercle rapproché qui pourront tout régler ; il faut reconstituer les collectifs de travail. Au regard de ce challenge passionnant, l’option de maximiser le télétravail et de ne venir sur site qu’en appliquant un principe de précaution au regard des besoins opérationnels n’est finalement qu’une question assez secondaire.

Nous pensons que cette posture de confiance est la clé de la réussite de la nouvelle période dans laquelle nous nous engageons tous ensemble, avec ses incertitudes et le besoin d’un apprentissage rapide. Nous vous appelons à jouer la carte de l’intelligence collective, par la responsabilisation des acteurs, la délibération dans les équipes, la transversalité et le croisement des expertises et l’appui par un accompagnement pertinents.

Les échanges, principalement dans le cadre des réunions hebdomadaires du CHSCT, nous ont permis en tant que représentants des personnels de faire des propositions pour améliorer le dispositif de confinement ces dernières semaines, ainsi que celui qui va accompagner une sortie progressive du confinement et que examinons aujourd’hui.

Certaines des propositions du Sgen-CFDT AC n’ont été prises en compte qu’après des atermoiements que nous regrettons car la version du document qui a été adressée aux directions n’affirmait notamment pas suffisamment que le télétravail doit rester la modalité à privilégier. Sa rédaction en est d’ailleurs parfois incohérente, puisqu’un système de rotation des personnels sur site ne correspond pas à la priorité donnée au télétravail. Nous apprenons d’ailleurs incidemment que certains responsables de bureau cherchent déjà à planifier la présence de 30 % puis de 50 % de leurs effectifs alors que le but est de se tenir en-dessous de ce maximum. Ce qui prouve que notre appel à l’intelligence est réellement nécessaire !

Citons  différents sujets où nous avons pu faire entendre les besoins des personnels :

  • Dans les jours qui ont suivi le confinement, la prise en compte des situations et contraintes personnelles des agents a été encouragée au regard notamment de leur fragilité ou de la fragilité d’un membre de leur foyer et les contacts ont été pris pour prévenir les situations d’isolement et de détresse. Les modalités d’autorisation spéciale d’absence (ASA) ont pu être adaptées en fonction de la charge éducative des enfants, du souhait de maintenir un lien avec son cadre professionnelle ou des activités à venir réaliser sur site.
  • L’équipement des agents participant au plan de continuation d’activité a été assuré en priorité mais vous nous avez assurés qu’aucun agent dont les fonctions étaient télétravaillables ne devait être placé en ASA si le seul problème était son manque de matériel informatique personnel adapté.
  • En termes d’accompagnement, les moyens de la médecine de prévention, de la cellule d’écoute et du service social ont été mobilisés. Des outils de télé et visioconférence, etc. ont été mis à disposition de tous, ainsi que des formations et ressources sur le travail à distance.
  • En vue du déconfinement, la préparation et l’aménagement des locaux est en cours pour permettre la reprise des activités qui ont dû être suspendues. Les conditions recommandées de prévention de la contagion sont mise en œuvre sous le contrôle du CHSCT. Le télétravail devant cependant rester la principale modalité de réalisation des activités administratives, la formation des cadres au management à distance va aussi être renforcée.
  • L’âge des enfants à prendre en compte pour les contraintes de garde jusqu’à 16 ans (et sans limite d’âge pour les enfants handicapés) a été rétabli bien que la version diffusée n’ait pas été corrigée malgré notre signalement.
  • Idem, s’agissant de l’objectif que le plus grand nombre possible de formations puissent être rapidement basculées en apprentissage à distance.
  • Il est enfin prévu que, à l’issue de ce CTAC, un suivi régulier de l’opération soit dévolue à un groupe de travail conjoint CTAC + CHSCT.

Certaines de nos propositions n’ont pas encore été entendues et nous les répétons donc succinctement :

  • Fournir un téléphone mobile à tous les agents ;
  • Mettre à disposition des agents leur poste fixe à leur domicile et un accès internet quand ils n’ont pas de matériel adapté disponible pour le télétravail, en attendant que le déploiement de postes portables ;
  • Débloquer l’accès à distance des applications métier (SIRH, CHORUS, …) et généraliser l’accès à distance aux répertoires partagés (Direct Access, sauvegarde à distance,…) ;
  • Favoriser le renvoi des postes fixes téléphoniques vers le numéro de contact en télétravail ;
  • Mettre en œuvre une plateforme d’entraide entre les agents pour la prise en main des outils numériques.

La priorité au télétravail en Ile-de-France a été réaffirmée par l’ensemble des services de L’État, les collectivités territoriales, les entreprises de transport public (RATP et SNCF) et les partenaires sociaux dans le document commun « Modalités d’organisation en Ile-de-France pour le recours aux transports en commun en période de déconfinement » que nous vous avons adressé hier. Il prévoit notamment la limitation des déplacements en transports en commun et l’étalement des horaires de déplacement, ainsi que les masques à fournir aux salariés par l’employeur tant que ceux-ci ne sont pas disponibles en magasin de détail. A noter également que la mention portant sur une attestation de l’employeur pour les horaires de travail reste soumise à la loi et n’est donc qu’indicative.

Ceci nous amène à vous interroger sur les conditions de présence  et de transport des personnels :

  • Confirmez-vous que la venue sur site d’un agent est soumise au fait qu’il soit volontaire?
  • Suivrez-vous aussi la recommandation du service médical pour faciliter l’utilisation d’un véhicule personnel motorisé et surtout son vélo? A quelle échéance la subvention pour le vélo sera-t-elle mise en œuvre ?
  • Idem concernant l’élargissement des plages horaires où les agents peuvent passer les portillons ?
  • Pour les agents devant prendre des transports en commun, nous demandons que des masques leur soient aussi attribués à cet effet, au moins tant qu’ils ne seront pas suffisamment disponibles au détail.
  • Pour les parents d’enfants scolarisés, nous savons que les ASA se poursuivront pendant tout le mois de mai. Nous demandons un point de situation courant mai pour apprécier le besoin de poursuivre ce dispositif pour la fin de l’année scolaire au regard de l’effectivité de l’accueil dans les écoles et les collèges.
  • Et bien entendu, nous demandons que plus personne ne soit en ASA du fait d’activités non télétravaillables à compter du déconfinement. Ce qui peut conduire à réfléchir avec l’agent à une évolution de ses tâches.

D’une manière plus prospective, nous souhaitons savoir comment vous anticipez le suivi et les adaptations aux futures circonstances :

  • Quid des stratégies en cas de résurgence de personnes infectées ou de flambée épidémique (tests, traçabilité, quarantaine, gestion de clusters…) ?
  • A quelle échéance et au vu de quels critères considérez-vous que l’objectif d’un retour en présentiel de l’ensemble des personnels à la rentrée de septembre serait réaliste?
  • Comment comptez-vous pérenniser et professionnaliser une organisation mixte distanciel / présentiel, rédaction notamment d’une charte d’usage des services numériques, formation des agents, etc. ?

De manière plus conjoncturelle :

En conclusions Madame la secrétaire générale, nous invitons les membres de ce comité technique à sortir du mythe du management vertical par la règle et à changer de référentiel pour mettre les acteurs en situation d’exercer leur responsabilité en confiance, dans un collectif qui délibère et s’auto-organise pour relever le défi passionnant auquel est confronté l’ensemble de l’administration centrale.

Merci de votre attention, Madame la présidente, chères et chers collègues.

Pour aller plus loin >>

Déconfinement : une charte pour limiter l’utilisation des transports en commun en Île-de-France (Région IDF, Préfet IDF, CPME, U2P, MEDEF, CFTC, CFDT, RATP, SNCF,…)
Décret n° 2016-151 du 11 février 2016, modifié par le décret n°2020-524 du 5 mai 2020, sur le télétravail dans la fonction publique
Compte-rendu de la CCHSCT (Fonction publique de l’État) du 7 mai 2020 par audioconférence