Projet Pascal : La CFDT dit NON à la généralisation du Flex office et de l’open space !

L’administration a dévoilé lors du GT du 8 avril dernier son schéma directeur d’occupation des espaces à l'issue des phases de mega et macro zoning. Ce schéma directeur tel qu’il nous a été présenté s’oriente vers une généralisation de l’open space et du flex office. Pour la CFDT c'est NON !

Les personnels de l’administration centrale ne doivent pas être les cobayes d’une pseudo modernisation des espaces de travail qui n’a fait ses preuves nulle part ailleurs !

L’administration a dévoilé lors du GT « projet Pascal » du 8 avril dernier son schéma directeur d’occupation des espaces du futur site aux termes de la phase dite de Marco zoning. Ce schéma directeur tel qu’il nous a été présenté s’oriente vers une généralisation de l’open space et du flex office.

Pour la CFDT ce projet en l’état comporte un risque majeur de détérioration des conditions de travail des personnels avec des conséquences délétères sur leur santé mentale et physique qui seront inévitables s’il n’est aucunement tenu compte de leurs expressions et de celles de leurs représentants et représentantes.

Le précédent des personnels de la DGRI installés sur le site de « Rives de Paris » nous a vaccinés  !

La question de l’open space est sensible car un espace complétement ouvert accueillant de 10 à 20 personnes – comme cela a été le cas aux extrémités des étages sur le site « Rives de Paris » où sont accueillis les personnels de la DGRI le temps des travaux du site de Descartes – génère de l’inconfort et des nuisances. Dans ce type de configuration un agent qui passe une grande partie de la journée au téléphone avec les opérateurs du ministère par exemple, ne peut pas aller passer sa journée dans une bulle dédiée !

Les personnels de la DGRI étaient 126 à signer une pétition quelques semaines à peine après leur installation pour alerter l’administration sur leurs conditions de travail dégradées en open space.

Cette expérience in vivo à Rives de Paris est un précédent qui préfigure les risques à venir sur le site Pascal que la direction de projet ne peut ignorer !

NON l’open space ou le flex office généralisés ne sont en rien un horizon de travail désirable !

L’open space pose la question des nuisances sonores avec son lot de difficultés de concentration et de respect de la confidentialité.

Quant au flex office tout dépend de ce que l’on y met : s’agit-il du nombre de postes de travail dans une pièce avec la possibilité d’utiliser le bureau d’un collègue en télétravail ou de l’absence totale de bureau attitré avec mise à disposition de casiers et des agent.es qui errent dans les espaces le matin pour trouver une place ?

Le nec plus ultra étant la combinaison des deux : un flex office dans un open space ! C’est la Starbucks nation !

Le principe de réalité nous oblige à reconnaître que dans une direction où le télétravail à 3 jours est majoritaire, la question du flex office ou de l’open space qu’il ne faut d’ailleurs pas confondre, ne se pose pas dans les mêmes termes que dans une direction au sein de laquelle le taux de télétravail est en moyenne inférieur à 2 jours par semaine.

Pour la CFDT tous les personnels jusqu’à deux jours de télétravail fixes, flottants ou mixtes, doivent être installés sur des bureaux attitrés.

Les personnels concernés ne s’y trompent pas, ils ont répondu à une large majorité que leurs priorités par rapport aux aménagements des espaces de travail étaient par ordre d’importance les suivantes :

n°1 : poste de travail attitré ;

n°2 : la qualité des équipements techniques et informatiques ;

n°3 : avoir une luminosité naturelle.

La CFDT veut croire qu’il s’agit d’un projet de répartition des espaces de travail dont les effets les plus négatifs seront atténués dans le cadre des discussions à venir sur le micro zoning.

Aucune étude ne vient au secours de l’open space et du flex office !

Les études sur les effets de l’open space et du flex office restent peu nombreuses en France dans la mesure où ce mode d’organisation restait marginal avant la crise Covid. Il concernerait 16% des entreprises. Selon une enquête de la Fondation Jean-Jaurès menée en août 2022, intitulée « le bureau fragmenté », la France serait parmi les pays les moins convertis au flex office : le bureau individuel reste le principal lieu du travail pour les salariés français (43%), devant le bureau partagé (37%), l’open space ne concernant lui que 19% des salariés français et le flex office seulement 6% d’entre eux.

Toujours selon cette enquête :

  • 38% des salariés ayant un bureau attitré pensent que la configuration de leur espace de travail a une influence positive sur leur santé ;
  • à l’inverse, 36% des salariés n’ayant pas de bureau attitré pensent que la configuration de leur espace de travail a une influence négative sur leur santé ;
  • 67% des moins de 35 ans pensent que la configuration de leur espace de travail a une influence sur leur santé.

Une étude de la Dares sur « les conditions de travail des salariés en open space » publiée en décembre 2023 a établi que sur les 8,1 millions de salariés de bureau du secteur privé, 4,9 millions (60%) travaillent en bureau classique et 3,2 millions (40% ) travaillent en Open space.

L’étude de la DARES  conclut que les conditions de travail des 3,2 millions de salariés qui travaillent en open space en France en 2019, sont globalement moins bonnes que celles des travailleurs en bureau classique.

Enfin, les sociologues du travail Julien Chassereau et Benoit Henry évaluent dans leur étude intitulée les « coûts cachés du flex office » l’impact de ce mode d’organisation sur les conditions de travail des agent.es : le stress, la perte de repère, le repli sur soi, la dépersonnalisation des espaces (clean desk), les tensions relationnelles, voire le risque de perte de productivité.

Toutes ces études sont unanimes sur les risques inhérents aux organisations de travail en Open space et en flex office.

La CFDT refuse la double peine pour les personnels de l’administration centrale qui non seulement subissent un déplacement en banlieue mais devront demain travailler en open space et flex office !

L’administration prétend vouloir coconstruire, la CFDT dit chiche à certaines conditions !

La coconstruction implique de réinterroger la direction et la conduite du projet et de s’offrir le luxe du temps au regard de l’ampleur de ce projet qui engage durablement la moitié des effectifs de notre administration centrale.

Passer d’une coconstruction alibi à une coconstruction réelle

Tenir compte du travail réel

Dans le document qui a servi de support de présentation au GT du 8 avril, il est indiqué que « lors du micro zoning, les structures, au sein des surfaces qui leur seront imparties, pourront ajuster les proportions entre postes de travail et places alternatives (bulles, salles de réunion, autres espaces collaboratifs) pour tenir compte de leurs modes de travail projetés ».

Pour la CFDT le choix de l’échelle d’ajustement du micro zoning sera déterminant : le service ? la sous-direction ? le département ?

La phase de micro zoning doit être l’occasion d’inscrire le pilotage de ce projet dans une logique de coconstruction réelle. Ce qui n’a pas été le cas pendant les phases précédentes : les arbitrages sur les m2 réservés aux espaces communs et ceux réservés aux espaces de travail n’ont fait l’objet d’aucune discussion au sein des instances compétentes. Or cet arbitrage a un impact direct sur les m2 carrés disponibles pour les espaces de travail et  par agent en surface nette.  Cette donnée essentielle doit être communiquée pour chaque direction.

La réflexion sur la répartitions des espaces de travail doit se faire en prenant en compte le « travail réel », c’est-à-dire l’activité de travail telle qu’elle est réalisée par l’agent.e au quotidien et non à partir du « travail prescrit », c’est-à-dire le travail qui est commandé à l’agent.

Assouplir le calendrier du micro zoning

Pour la CFDT, l’acceptabilité du projet et les possibilités de réduire les risques évoqués dépendent de la qualité des travaux qui seront conduits durant la phase du micro zoning.

La phase de micro zoning durerait de mai à juillet, délai prévu pour la validation définitive des aménagements avant le phase de démarrage des travaux. Ce calendrier doit être assoupli afin de permettre aux ambassadeurs des directions et à tous les acteurs de la prévention de travailler dans la sérénité et de manière sérieuse.

Il est primordial que tous les acteurs concernés soient  associés aux réflexions sur le micro zoning :

  • Les agent.es pour la prise en compte du travail réel ;
  • Les représentant.es des personnels siégeant dans les instances compétentes en la matière (CSA et formation spécialisée qui devront rendre un avis éclairé sur le projet final d’aménagement) ;
  • Les assistant.es de prévention dans leur rôle en matière de prévention des risques ;
  • Les inspecteurs santé et sécurité au travail dans leur domaine d’expertise et de conseil ;
  • Les médecins du travail.

Pour la CFDT, le délai de trois mois imparti pour le travail de micro zoning est très insuffisant au regard des enjeux et de l’expertise qu’il requiert en matière d’ergonomie, de connaissance des effets sur la santé et du travail réel.

Laisser des marges de manœuvre aux ambassadeurs des directions

Les ambassadeurs des directions représentent selon l’administration au maximum 10% des effectifs de leur direction. Ces collègues volontaires ou désignés vont devoir trouver leur place entre le référent de direction, leur hiérarchie et la direction de projet. La question de leur rôle et de leur marge de manœuvre se pose. En effet, s’impliquer dans cette démarche de micro zoning tout en continuant à assurer ses missions habituelles est une vraie gageure. Quel temps de formation pour s’approprier la démarche, ses enjeux et ses impacts ? Dans les circonstances actuelles, et compte tenu du calendrier annoncé, le risque est grand que les ambassadeurs soient utilisés comme des alibis d’une pseudo coconstruction au même titre que les représentant.es des personnels.

La CFDT demande que la liste des ambassadeurs soit communiquée aux représentant.es des personnels et que des temps d’échange entre les ambassadeurs et les représentant.es des personnels soient intégrés dans la conduite de ce projet.

Donner aux instances les moyens de jouer leur rôle en matière de prévention des risques sur ce projet

Pour la CFDT le rapport de force est inégal entre l’administration et les représentant.es des personnels qui devront rendre un avis sur ce projet comme le prévoit la réglementation.

Or la phase de micro zoning s’engage alors qu’aucune étude d’impact sur les conditions de travail des agent.es et sur leur santé et leur sécurité n’a été produite par l’administration.

Lors de la dernière séance de la formation spécialisée réunie  le 13 février, les représentant.es des personnels ont voté à l’unanimité un avis demandant l’intervention d’un expert indépendant dédié à l’accompagnement des membres de cette instance sur ce projet. L’administration dispose d’un délai deux mois pour répondre à cet avis.

La CFDT estime que les conditions pour rendre un avis éclairé sur ce projet ne seront pas réunies si l’administration n’accède pas à cette demande.

La carence de notre administration en matière de connaissance des risques liés à l’environnement de travail de ses agent.es

La CFDT fait le constat qu’un projet de déménagement d’une envergure inédite se déploie alors que notre administration n’est toujours pas dotée d’un document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP). En clair, notre employeur n’est pas en mesure d’identifier aujourd’hui les risques professionnels auxquels sont exposés les personnels de l’administration centrale dans leur environnement de travail, environnement de où domine le bureau fermé individuel ou partagé en poste fixe pour l’immense majorité des agent.es et des managers. La conséquence de cet état de fait est l’absence de mesure de « prévention primaire », c’est à dire l’absence de formalisation de mesures ou de règles visant à diminuer le risque d’exposition ou l’exposition des agent.es à des risques identifiés. 

Dans ce contexte, le projet Pascal est un saut dans l’inconnu. La conduite de ce projet n’apporte à ce stade aucune garantie tangible quant à la sécurisation de son atterrissage sur aucun plan !

Les conséquences du non-respect par l’employeur de ses obligations en matière sécurité et de protection de la santé des agent.es au plan civil et pénal

Les dispositions du Code du travail en matière de sécurité et de protection des salariés sont applicables à la fonction publique (livre I à V de la quatrième partie de ce Code). Par conséquent la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière est applicable à l’employeur public.

La responsabilité de l’employeur public en cas de manquement à son obligation légale de sécurité et de protection de la santé des agent.es

La Cour de cassation a eu à préciser dans un arrêt du 20 octobre 2020 (Cass., 2e civ., 8 oct. 2020, n°18-25.021, publié au bulletin) que « Le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ».

Les risques liés aux organisations de travail en Open space et en flex Office sont de plus en plus documentés et bien connus. Leur identification est un préalable que l’étude d’impact que nous réclamons doit faciliter.

L’administration doit démontrer en quoi les aménagements proposés aux termes du micro zoning réduisent les risques ou mieux encore les préviennent.

La responsabilité pénale de l’employeur en cas de manquement à l’obligation d’évaluation des risques

La responsabilité pénale du chef de service ou de son délégataire est engagée en cas de manquement à l’obligation d’évaluation des risques et à la mise en place de mesures de prévention pertinentes en cas de dommage consécutif à ces manquements.

La CFDT demande de ne pas confondre rapidité et précipitation dans cette affaire et que l’on se paye le luxe de prendre du temps afin de sécuriser à tous les niveaux la mise en œuvre de changement de paradigme de notre modèle d’organisation du travail.

 

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